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Tchad : la face cachée du Plumpy’nut, une pâte contre la malnutrition

La malnutrition chez les enfants, est la face visible de l’iceberg du problème d’alimentation et de pauvreté au Tchad. La carence nutritionnelle fait rage dans des milliers de familles conduisant la plupart des victimes à la mort. Au Tchad, le Plumpy’nut demeure le principal moyen utilisé par l’Etat et ses partenaires pour éradiquer la malnutrition.

Historique récent de la malnutrition au Tchad

A l’issue de l’enquête réalisée en 2019 par la direction de la nutrition et de technologie alimentaire, en collaboration avec l’UNICEF, la prévalence nationale de la malnutrition aigüe globale selon l’indice poids/taille est de 12,7% chez les enfants de 6 à 59 mois. Selon la classification de l’OMS 2006, cela correspond à une situation nutritionnelle alarmante.

Cette enquête a automatiquement classé le Tchad comme pays de la sous-région qui a le plus fort taux de malnutrition. En outre, selon l’enquête SMART 2021, la malnutrition globale aiguë est estimée à 10,9%. Parmi les causes qui peuvent expliquer cette situation, on peut déchiffrer entre autres : les mauvaises récoltes, des régimes alimentaires inadéquats ainsi que des facteurs socioculturels. L’année passée, la situation a été exacerbée par une saison des pluies inhabituellement courte. Plus récemment, le gouvernement tchadien a déclaré l’état d’urgence alimentaire par un arrêté.

Capture d’écran de la première page du décret annonçant l’état d’urgence.

Qu’est-ce que le Plumpy’nut ?

Le Plumpy’nut est un aliment à base d’arachide utilisé en cas de famine pour les enfants à partir de 6 mois d’âge. Il est distribué dans les centres de santé aux enfants malnutris.

Chaque année, des millions d’euros sont injectés par l’Etat tchadien et ses partenaires pour l’achat de Plumpy’nut mais malheureusement une partie de ses produits sont détournés à d’autres fins.

Quand les Plumpy’nut profitent à tout le monde sauf aux enfants

Le Plumpy’nut dont la vente est strictement interdite, est détourné et vendu aux commerçants et aux boutiquiers des quartiers. On peut l’apercevoir même sur les étables des femmes vendeuses des fruits et jus aux bords des goudrons et aux marchés. En cause, le Plumpy’nut est consommée par des personnes bien portantes pour son apport énergétique et son goût appétissant, et le plus drôle encore, est que certaines femmes les donnent à leur mari parce que ça renforce leur virilité au lit, disent-elles.

Le plus choquant dans cette histoire, est que pendant mon séjour dans la région du Lac Tchad, des relais de centres de santé m’ont avoué clairement que certaines femmes maintiennent volontairement leurs enfants dans la malnutrition pour pouvoir bénéficier sans arrêt des Plumpy’nuts dans le centre de santé ou leur enfant est pris en charge et ensuite elles vendent une partie aux boutiquiers du quartier.  Ce qui leur rapporte de l’argent pour subvenir à leurs besoins. J’ai demandé à mon informateur comment elles font pour maintenir leurs enfants dans la malnutrition et il m’a fait une terrible et triste révélation en disant ceci : après que leur enfant ait été testé non malnutris et ne pouvant plus bénéficier de l’assistance en Plumpy’nut, elles reviennent à la maison tremper du savonnier dans l’eau et le donner à l’enfant chaque jour, ce qui provoquera une diarrhée incessante  jusqu’à ce que l’enfant revient à la case départ  et qu’il soit pris en charge dans un centre de santé, et permette à la maman de bénéficier encore des Plumpy’nuts.

Le Plumpy’nut est devenu une aubaine pour beaucoup de personnes, allant des autorités, aux commerçants.


Le Plumpy’nut en vente au marché central de N’Djamena. Crédit photo : Mahmoud sabir

Si le Plumpy’nut sauve des vies, il en perpétue la malnutrition d’autre part, une alternative s’impose 

La farine enrichie demeure l’alternative la plus efficace, crédible, moins chère et donne l’habitude à l’enfant de consommer des produits qui sont proches de ce qu’il mangera plus tard.

Autre avantage, les bénéficiaires des farines enrichies ne peuvent plus les vendre comme le Plumpy’nut donc ils seront obligés d’en donner à leur enfant. Et en plus, on peut les accompagner par des formations qui vont leur permettre de fabriquer leur propre farine enrichie avec des produits qu’ils possèdent.

Le Tchad possède plus de 34 millions d’hectares des terres agricoles et un nombre important de produits locaux pouvant permettre la fabrication des farines enrichies. Il est donc inconcevable de continuer à injecter chaque année des milliards dans l’achat de Plumpy’nut.

Pour terminer, méditons sur cette citation du Dr A.S, ex-ministre secrétaire d’Etat à la santé lors d’une réunion avec les bailleurs réunis pour contre la famine et la malnutrition. Il disait :

« Je crois à la promotion des produits locaux pour lutter contre la malnutrition proteino-énergetique galopante au Tchad. Je tiens à ce que le Tchad, pays de toutes les protéines (viande, haricots et charmoute) et de tous les glucides et sucres (canne à sucre, betterave, …), puisse préparer ses propres concentrés alimentaires que de dépendre des plumpy’nut venus d’ailleurs ».

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Auteur·e

saddamiyoune

Commentaires

Mahamat Ali Ateib
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Pertinente analyse

Ali Abdelkader Foulaty
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Super article

Sadam Alhabo
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Merci Foulaty